Josef Sudek

Josef Sudek (Kolín, 1896 – Prague, 1976) est le plus célèbre photographe tchèque. Au cours de sa vie, Josef Sudek traverse deux guerres mondiales, voit l’indépendance de la Tchécoslovaquie en 1918, ainsi que l’émergence des avant-gardes artistiques du XXe siècle : cubisme, surréalisme, constructivisme et abstraction. Ses photographies les plus connues sont des natures mortes et des vues de Prague. L’ambiance intimiste, avec l’usage des fenêtres, du verre et de sujets du quotidien (fleurs, fruits, arbres), offrent au regard un univers au sein duquel on devine le passage du temps.

Josef Sudek : photographies et séries

Josef Sudek commence sa carrière en affectionnant la photographie pictorialiste. Comme de nombreux photographes du début du XXème siècle, il cultive alors un style pictorialiste international, empruntant à Clarence H. White, Alfred Stieglitz, Edward Steichen, Robert Demachy, Constant Puyo, Heinrich Kühn, Peter Henry Emerson… Il s’en émancipe peu à peu et propose une approche tournée vers l’observation des choses. Ses images explorent un monde poétique dont les sujets, nature morte et vues de villes, nous amènent à considérer le familier et la temporalité.

Photographie de Josef Sudek, photographe tchèque, montrant un fauteuil de jardin et une tête sculptée.
Josef Sudek, Dans le Jardin Enchanté, 1954-1959, série « Une promenade dans le jardin enchanté » parfois nommée « Souvenirs », tirage gélatino-argentique 17 × 23,3 cm, Musée des Beaux-Arts du Canada, Ottawa.

Parmi les séries de photographies les plus emblématiques de Josef Sudek on peut dénombrer :

  • La série des photographies de la Cathédrale de Saint-Guy – Svatý Vít de Prague (1924-1928)
  • Les photographies de La fenêtre de mon atelier (1940-1954)
  • Photographier Prague pendant la nuit (1950-1959)
  • Une promenade dans le jardin enchanté (1950-1961)
  • Souvenirs, Labyrinthes (1967)
  • Les Labyrinthes de verre (1968-1972)

Josef Sudek en quelques dates

Josef Sudek débute la photographie entre 1911 et 1913, perd un bras lors de la première guerre mondiale, ce qui le conduit à abandonner son métier de relieur pour se consacrer à la photographie. Il commence sa carrière photographique en s’intéressant au procédés de tirages pigmentaires. On peut alors le considérer comme un photographe pictorialiste.

« L’idée m’est venue dans l’année, en Italie, alors que j’observais ce pays ravagé, mais toujours beau comme dans une lentille. Une fois revenu avec un seul bras, je ne pouvais plus trouver de travail dans mon domaine, la reliure. De toute façon, j’étais un médiocre relieur. »

Josef Sudek, Interview de 1968.
Nature morte de Sudek avec fleurs, verres et une bille à l'intérieur d'un des deux.
Josef Sudek, Fleur et verre à la fenêtre, vers 1950, tirage argentique, 22,4 x 16,8 cm, MoMA de San Francisco.

Les premiers succès photographiques

1921 : Il remporte le premier prix de la photographie de Paysage, lors d’un concours organisé par le Český klub fotografů amatérů v Praze (le Club des photographes amateurs tchèques de Prague). Il obtient ainsi une bourse. Cette même année, le club organise l’exposition de Drahomir Josef Růžička. Ce médecin et photographe tchèque vit à New York. Il est l’élève de Clarence H. White et apporte dans ses valises les travaux de la scène photographique américaine. La photographie pure, alors promue par Alfred Stieglitz et Clarence H. White, se détourne des procédés pigmentaires propres au pictorialisme.

Photographie de Josef Sudek réalisée dans les années 1920 avec une attention particulière donnée à la lumière.
Josef Sudek, Invalides, Hôpital des vétérans, 1922-1927, Museum of Fine Arts, Boston.

Ces découvertes ont un profond effet sur la jeune génération de photographes tchèques. Ainsi, Jaromír Funke, ami de Josef Sudek, délaisse les tirages pigmentaires pour se concentrer sur des approches plus modernes. Ses théories et ses expérimentations photographiques participent aux avant-gardes, tels que le surréalisme, le constructivisme ou la nouvelle objectivité photographique. De son côté, Sudek conserve un attrait pour les tirages pigmentaires. Son style évolue tout de même, grâce également à ses échanges avec Jaromír Funke. Ils s’influencent mutuellement, dans une effervescence artistique où chacun déploie un style personnel.

Un des premiers succès de Josef Sudek intervient en lors de la publication de sa série de photographies sur la Cathédrale Saint-Guy (aussi appelé Saint-Vitus, en tchèque : Katedrála svatého Víta). On retrouve dans cette série un soin particulier pour l’usage de la lumière, dans un style encore emprunt des travaux d’autres photographes, notamment ceux de Drahomir Josef Růžička.


L’émergence d’un style personnel

Josef Sudek se positionne dans un entre-deux, il peut tout à la fois user des nouvelles règles du jeu de la photographie de son temps (lignes dynamisant la composition, absence relative de retouche et usage de l’argentique), tout en ne s’interdisant pas des excursions dans une esthétique passéiste. Son style flirte alors parfois avec l’expressionnisme du cinéma allemand ou des rendus de la peinture postimpressionniste et nabis (en particulier par l’attention donnée à la lumière et l’impureté de ses photographies).

Nature morte photoraphiée par Josef Sudek en 1954.
Josef Sudek, Nature morte à la poire, vers 1954, tirage argentique, 11 x 15,9 cm.

L’historien d’art Vladimír Birgus ne s’y trompe pas lorsqu’il relève l’extrême justesse des mots de Karel Teige, décrivant Sudek comme un harmonisateur et Funke comme un expérimentateur (Teige, 1947). Josef Sudek ne cherche pas à répondre aux nouvelles injonctions photographiques (abstraction, photogramme, modernité). En travaillant librement, il atteint son propre style à l’orée des années 1940. Le photographe tchèque réalise alors les images qui le rendront célèbres : natures mortes aux lumières douces et indirectes, qualifiées de poétiques. Elles participent à un émerveillement, produit par l’observation fine des éléments du quotidien.

Dès lors, on constate que la forme : usage des lumières, ambiance dans les photographies, sujets choisis par l’artiste, sert un font : attacher le regard sur ce qui compte, où plutôt sur ce que l’artiste photographe souhaite qu’on remarque. La photographie, en tant que médium, est pleinement exploitée par Josef Sudek. Elle est en adéquation avec la mission que lui confie l’artiste : parler du temps, des petites choses du quotidien, et de ces instants où notre esprit cesse de penser pour regarder ce qui l’entoure.

Quelques natures mortes et vues depuis l’atelier de Sudek

La notoriété de Josef Sudek va ensuite grandissante, atteignant une consécration mondiale en 1974, lors d’une exposition à la George Eastman House (Rochester, États-Unis). Il compte désormais parmi les artistes les plus importants de l’histoire de la photographie mondiale, et de la photographie tchèque en particulier.


Autres informations et ressources sur l’œuvre de Josef Sudek

Musées et collections

Les photographies de Josef Sudek sont conservées dans quelques-uns des plus grands musées aux mondes. Les collectionneurs d’art et de photographies apprécient également son travail, comme en atteste l’origine des pièces présentent dans les musées, fruit de multiples donnations.

  • Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa, Canada.
  • J. Paul Getty Museum, Los Angeles, États-Unis.
  • Musée National d’Art Moderne, Centre Pompidou, Paris, France.
  • Houston Museum of Fine Arts, Houston, États-Unis.
  • Musée des arts décoratifs, Prague, République Tchèque.
  • Museum of Modern Art, New York, Los Angeles.
Photographie de l'atelier en désordre prise par Josef Sudek.
Josef Sudek, Labyrinthe dans mon atelier, 1960.

Pour aller plus loin : nos conseils de lecture sur Josef Sudek

Le catalogue d’exposition du Jeu de Paume : Josef Sudek. Le monde à ma fenêtre, 2016. (Il s’agit d’un rare livre en français très complet sur le photographe, publié en collaboration avec le Musée des beaux-arts d’Ottawa et grâce aux travaux de nombreux historiens et experts en photographie).

BIRGUS, Vladimir, MLCOCH, Jan, Czech Photography of the 20th Century, 2011. (Livre en anglais donnant une vue d’ensemble sur la photographie tchèque du XXème siècle. Il permet de mesurer toute l’importance de Josef Sudek).

L’article du site Penser la Photographie, par Colette Gourvitch, Josef Sudek, 2019. (Il rassemble des réflexions personnelles et donne de précieuses informations sur le matériel photo de l’artiste).

Il existe également plusieurs livres en anglais et en tchèque, ainsi que de nombreuses ressources en ligne dans ces deux langues. Les articles présents sur Otium vous permettront également de pousser votre réflexion sur l’art et la photographie.


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